Dr Niels Kirst, professeur adjoint de droit européen à Dublin City University et directeur adjoint de DCU Brexit Institute

La Communauté européenne de défense (CED), proposée au début des années 1950, représente un moment charnière dans l’histoire de l’intégration européenne et de la sécurité collective. Visant à créer une organisation supranationale de défense, le traité de la CED cherchait à intégrer les armées de six membres fondateurs : la France, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux. Compte tenu des défis croissants en matière de sécurité auxquels l’Europe est confrontée en raison de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie et de la deuxième présidence Trump à venir aux États-Unis, il convient de se demander si la CED serait ouverte à l’adhésion de nouveaux États membres.

Juridiquement, le traité de la CED autorise explicitement l’adhésion d’autres pays européens au-delà des six membres fondateurs. L’article 129 du traité de la CED prévoit que des membres supplémentaires peuvent adhérer à la Communauté, à condition d’avoir obtenu l’avis du Commissariat et l’approbation unanime du Conseil. Selon l’article 19 du traité de la CED, le Commissariat est un conseil exécutif d’experts indépendants nommés par les États membres contractants. Selon l’article 39 du traité de la CED, le Conseil est conçu comme l’organe de décision des représentants des États membres contractants, à l’instar du Conseil au niveau de l’UE. La clause d’adhésion reflète donc l’idée que les défis en matière de sécurité européenne ne se limitent pas aux membres fondateurs et que l’élargissement de la CED peut renforcer la défense collective. Le traité de la CED exige des membres adhérents qu’ils s’alignent sur les objectifs de la CED en matière de partage des responsabilités de défense. Le traité souligne ainsi sa capacité à adapter aux changements géopolitiques et à l’évolution des besoins de la sécurité européenne.

En s’inspirant du fonctionnement de l’élargissement dans le cadre actuel du traité sur l’UE, il est possible d’imaginer la procédure d’adhésion dans le cadre de la CED. Sur le plan de la procédure, la première étape consiste à soumettre une demande d’adhésion au Conseil de la CED (« Tout État européen peut demander à adhérer au présent traité. ») Cela se ferait généralement par le biais d’une lettre présentant une demande formelle d’adhésion. Ce premier paragraphe de l’article 129 de la CED énonce également la première condition d’adhésion, faisant référence à un « État européen ». À l’instar de l’article 49 du TUE, cela signifie que seuls les États géographiquement situés en Europe peuvent adhérer à la CED. Ensuite, l’accord unanime des membres actuels est une condition sine qua non pour l’adhésion potentielle d’un nouveau membre (« Le Conseil, après avoir pris l’avis du Commissariat, statue à l’unanimité et fixe, également à l’unanimité, les conditions de l’adhésion. ») Les institutions qui seraient principalement impliquées seraient le Commissariat de la CED (conseil d’experts indépendants composé de neuf membres nommés), qui émettrait un avis non contraignant, et le Conseil (composé de six représentants des membres fondateurs), qui approuverait la demande d’adhésion par un vote à l’unanimité. L’adhésion n’est possible que si les six membres fondateurs l’approuvent à l’unanimité. 

Par la suite, le Conseil de la CED détermine également les « conditions d’adhésion ». Cela signifie qu’un traité d’adhésion devrait être rédigé, similaire à celui dans le cadre de la procédure d’élargissement de l’UE. Bien entendu, la CED devrait être prête à intégrer un nouveau membre dans les capacités opérationnelles du pacte de défense. Par conséquent, le traité d’adhésion garantirait que l’intégration entre les anciens et les nouveaux membres se fasse de manière fluide et harmonieuse. Enfin, l’adhésion d’un nouveau membre pourrait également nécessiter la ratification du traité d’adhésion et du traité de la CED par le pays adhérent en conformité avec les exigences constitutionnelles nationales de ce pays. Cela pourrait impliquer une ratification par les deux chambres du Parlement. Enfin, le traité d’adhésion signé devrait être transmis au « gouvernement dépositaire du présent traité », qui serait le gouvernement français dans le cas de la CED (voir l’article 130 du traité de la CED). L’adhésion d’un nouveau membre deviendrait alors effective (« Celle-ci prend effet du jour où l’instrument d’adhésion est reçu par le gouvernement dépositaire du présent traité. »)

Qu’est-ce qui rend la CED si spéciale ? Une valeur ajoutée évidente est que les membres fondateurs de la CED pourraient fixer des critères d’adhésion stricts en appliquant des conditions similaires à celles de la politique actuelle d’élargissement de l’UE, par exemple le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux au titre des critères de Copenhague. Cela permettrait également d’exclure les États membres de l’UE, comme la Hongrie, qui ne respectent pas l’État de droit et qui se sont révélés être des chevaux de Troie au sein de l’UE. Avantageusement, l’adhésion à la CED serait ouverte à des États non membres de l’UE qui respectent les valeurs de l’UE et s’intéressent à l’intégration de la défense, tels que le Royaume-Uni et la Norvège. Dans l’ensemble, l’ouverture du traité de la CED à l’adhésion suggère qu’il est conçu pour s’adapter à l’évolution et à l’élargissement du nombre de ses membres. La CED s’aligne donc sur les discussions en cours concernant l’élargissement des cadres de sécurité européens, en particulier dans le contexte des tensions géopolitiques accrues à la suite de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie et de la réélection de Trump aux États-Unis. En conclusion, le traité de la CED prévoit un mécanisme juridique pour l’adhésion de nouveaux membres, démontrant son potentiel en tant que cadre de défense évolutif et inclusif.