Federica Fazio (Dublin City University)
Si l’Italie et la France devaient signer et ratifier aujourd’hui le Traité de la Communauté Européenne de Défense (CED), la Communauté Européenne de Défense (CED) ne conduirait pas à un découplage des États-Unis (États-Unis) et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Au contraire, elle favoriserait une complémentarité accrue entre les deux organisations et contribuerait à faire avancer l’intégration de la défense européenne. La CED permettrait aux Européens de prendre une plus grande responsabilité dans leur propre défense et de renforcer la clause de défense collective de l’OTAN, conformément à la poursuite de l’autonomie coopérative avec l’Alliance.
Comme l’indique l’Article 5 du CED, cette communauté supranationale « coopérera étroitement avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ». Selon l’Article 18 du CED, le Commandant Suprême des Forces Alliées en Europe (SACEUR) serait habilité à vérifier que les Forces de Défense Européennes (FDE) sont correctement organisées, équipées, formées et prêtes à l’emploi. Si cela est confirmé, et sauf en cas de défense interne (Art.18.3), ces forces seraient à la disposition du SACEUR, ce qui lui permettrait de soumettre des exigences de déploiement à la CED (Art.18.1). En temps de guerre, le SACEUR aurait le plein commandement des FDE (Art.18.2). Le général Christopher Cavoli, actuel SACEUR et commandant du Commandement Européen des États-Unis, a noté lors du Forum public de l’OTAN en juillet que le concept de dissuasion et de défense de la zone euro-atlantique (DDA) et la nouvelle famille de plans pour des opérations de dissuasion et de défense à grande échelle ont changé la façon dont les autorités en temps de paix sont accordées au SACEUR. Par exemple, il dispose désormais de l’autorité, avant un conflit, pour déployer des forces afin de le dissuader et garantir la préparation en cas d’activation de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord (NAT). Ces plans définissent également des exigences spécifiques en matière de structure de force. Pour répondre à ces besoins, le commandant adjoint suprême des alliés en Europe (DSACEUR) a demandé aux alliés de spécifier quels actifs militaires ils pouvaient engager au sein de l’OTAN en cas de guerre totale sans les réserver pour un usage national. Bien que plusieurs alliés aient promis leurs structures de force complètes, des lacunes subsistent dans les domaines de l’habilitation et de la logistique. Les FDE pourraient jouer un rôle vital dans le financement des plans et la réduction de ces lacunes.
De plus, comme le NAT, le CED contient également une clause de défense mutuelle. L’Article 2.3 du CED stipule : « Toute agression armée dirigée contre l’un des États membres en Europe ou contre les Forces de Défense Européennes sera considérée comme une attaque dirigée contre tous les États membres. Les États membres et les Forces de Défense Européennes fourniront à l’État ou aux forces ainsi attaquées toute aide et assistance militaires et autres dont ils disposent. »
L’article semble contenir des éléments de l’Art. 5 du NAT, mais les obligations qu’il prévoit sont quelque peu plus strictes. De même que l’Art. 5 du NAT, la clause stipule qu’« une agression armée dirigée contre l’un des États membres… sera considérée comme une attaque contre tous ». La norme parle cependant d’« agression armée » et non d’« attaque armée ». Par conséquent, la portée des actions pouvant déclencher la clause de défense mutuelle du CED pourrait, du moins en théorie, être plus large que celles qui activeraient la clause de défense mutuelle de l’OTAN. De plus, tandis que l’Art. 5 du NAT « prévoit une obligation contraignante de résultat, à atteindre par différents moyens, y compris mais sans s’y limiter, l’action militaire », l’Art. 2.3 du CED englobe expressément à la fois des moyens militaires et non militaires d’assistance, engageant ses membres à une obligation de moyens plutôt qu’à une obligation de résultat.
En outre, la formulation « en Europe ou contre les Forces de Défense Européennes » semble impliquer que les parties au CED seraient liées à la défense collective même pour les attaques visant leurs forces armées stationnées en dehors des territoires européens des États membres. En particulier, l’Art. 120.2 du CED stipule que les FDE pourraient être déployées sur des territoires inclus dans la zone définie par l’Art. 6 du NAT (120.2a), ainsi que des écoles, des centres de formation et d’autres établissements du CED dans cette zone et en Afrique au nord du Tropique du Cancer (120.2b). Cette décision serait prise par le Conseil de la CED, après consultation du Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) et avec l’accord du SACEUR. De plus, les Arts. 1 et 2 du Protocole concernant les garanties d’assistance des États membres de la Communauté envers les États parties au Traité de l’Atlantique Nord envisagent des garanties de sécurité réciproques entre ces deux alliances de défense. Ainsi, on peut raisonnablement supposer que la portée géographique de la clause de défense mutuelle du CED ne serait pas limitée à l’Europe, mais pourrait s’étendre à la zone de l’OTAN, renforçant ainsi l’OTAN et sa garantie de sécurité.
Une réactivation du CED pourrait également bénéficier aux relations avec le Royaume-Uni (RU). L’Art. 1 d’un traité séparé conclu entre la CED et le Royaume-Uni, qui à l’époque ne souhaitait pas faire partie de la CED, stipule que « si, à tout moment, pendant que le Royaume-Uni est partie au Traité de l’Atlantique Nord, une autre Partie du présent Traité qui serait alors membre de la Communauté de Défense Européenne, ou des Forces de Défense Européennes, devait être l’objet d’une attaque armée en Europe, le Royaume-Uni, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, fournira à la partie ou aux forces ainsi attaquées toute l’aide militaire et autres qu’il pourrait fournir ». L’importance de cet article ne doit pas être sous-estimée dans l’ère post-Brexit.
Comme l’a récemment souligné Sloan, en 1954 « l’échec du CED a pratiquement garanti que les États-Unis resteraient la force dominante dirigeant la défense occidentale contre l’Union Soviétique » et que la défense européenne resterait largement intergouvernementale. Une relance du Traité aujourd’hui permettrait à l’Europe de faire enfin avancer le processus d’intégration de la défense européenne, favorisant un partage plus équitable des charges et une complémentarité avec l’OTAN.